🧠 Investir durablement : un truc de hippie ?

Greenwashing ou vraies opportunités ?

Envie d'investir durablement mais peur que les solutions qui s'offrent à toi ne sont en fait que du greenwashing ?

Ou alors tu as déjà voulu t’intéresser à ce sujet mais as vite baissé les bras en voyant qu'il existe autant de "fonds durables" que de définitions de "durabilité" ?

Si c'est un sujet qui t’intéresse et pour lequel tu cherches plus de pédagogie, tu es au bon endroit, notamment grâce aux insights de Sandrine Ramboux, CFA et dirigeante de l’entreprise FutureWise Partners.

Elle a plus de 20 ans d'expérience en finance et accompagne les entreprises dans l’intégration des enjeux de durabilité dans leur stratégie, notamment dans l’évaluation et la gestion des risques liés au climat et à la transition.

Comment intégrer ses valeurs dans ses choix d'investissement ?

L'ESG (Environnement, Social, Gouvernance) est une approche d'investissement qui intègre des critères non-financiers dans l'analyse des entreprises. Concrètement, cela signifie regarder comment une entreprise gère son impact environnemental (émissions carbone, gestion des déchets), sa dimension sociale (conditions de travail, diversité) et sa gouvernance (transparence, éthique des dirigeants).

Comme l'explique Sandrine : "j'intègre les risques climatiques comme un critère d'analyse, mais j'investis surtout dans ce qui, selon moi, mérite du capital pour construire un futur plus durable".

Cette approche répond à une double logique : identifier les risques (une entreprise polluante peut être sanctionnée demain) et soutenir les solutions d'avenir.

Comment éviter le greenwashing ?

Le greenwashing, c'est quand une entreprise donne l'impression de faire plus pour l'environnement qu'elle ne le fait réellement. Ça n'est pas toujours intentionnel ou malhonnête. Souvent, les entreprises croient sincèrement que leurs initiatives sont très bien (planter des arbres, utiliser du plastique recyclable) mais ne réalisent pas que c'est une goutte d'eau à l’échelle de leur pollution.

Concrètement, cela peut prendre plusieurs formes :

DWS (Deutsche Bank) (2023)

  • Fait : Se présentait comme ayant l'ESG dans son "ADN" et leader ESG de 2018 à 2021

  • Réalité : Ses professionnels de l'investissement n'ont pas suivi les processus d'investissement ESG qu'elle commercialisait

  • Coût : 19 millions $ d'amende SEC (sur 25 millions au total)

  • Source : SEC Press Release 2023-194

BP (British Petroleum)(2019-2020)

  • Fait : Campagnes publicitaires "Keep Advancing" et "Possibilities Everywhere" mettant en avant ses produits énergétiques bas-carbone

  • Réalité : Plus de 96% de ses dépenses annuelles dans le pétrole et gaz

  • Sanction : Plainte OCDE acceptée, BP a retiré ses publicités et promis d'arrêter la "réputation corporative" trompeuse

  • Source : ClientEarth OECD Complaint

Volkswagen (2015)

  • Fait : Promouvait ses véhicules diesel comme "propres" et "écologiques"

  • Réalité : A triché sur les tests d'émissions pendant des années avec un logiciel truqué

  • Sanction : 30 milliards $ d'amendes au final, rappel de 11 millions de véhicules

  • Source : EPA - VW Settlement

 
Face à ces risques de greenwashing, la question se pose : peut-on vraiment investir durablement ? Comment voir clair dans tout cela ?

Sandrine, comment les fonds construisent-ils réellement leur portefeuille durable ?

Sandrine Ramboux CFA : "Il existe plusieurs méthodes pour construire un portefeuille durable. Historiquement, tout a commencé avec les exclusions — souvent d'origine religieuse. L'idée était simple : ne pas investir dans certains secteurs jugés incompatibles avec certaines convictions, comme le tabac, l'armement, la pornographie ou encore les jeux de hasard."

ESG -Critères d’exclusion

"Ensuite est apparue l'approche best-in-class.
Là, il ne s'agit plus d'exclure mais de sélectionner les entreprises les mieux notées sur certains critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG). 

Par exemple, un gestionnaire peut décider de ne retenir que les entreprises qui obtiennent les meilleures performances sur la parité femmes-hommes, ou celles qui ont les plans climat les plus crédibles."

ESG - Best-in- class

“Une troisième manière de faire, c'est l'investissement thématique.
Là, on construit un portefeuille autour d'un thème comme l'eau, la biodiversité, les solutions bas carbone ou la santé. On sélectionne uniquement les entreprises qui ont un impact positif ou un lien stratégique avec ce thème.”

“Enfin, une approche de plus en plus répandue consiste à intégrer les critères ESG dans la valorisation financière elle-même.”

Une entreprise avec de mauvaises pratiques environnementales sera considérée comme présentant un risque plus élevé (amendes potentielles, réglementation future, boycotts), tandis qu'une entreprise avec de bonnes pratiques ESG aura des opportunités de croissance.

On ne dit plus "cette entreprise est bien parce qu'elle respecte l'environnement", 
mais plutôt "cette entreprise vaut plus ou moins cher parce que ses pratiques ESG impactent sa rentabilité future et ses risques". 

Cette méthode intègre naturellement la durabilité dans l'analyse financière traditionnelle sans créer de portefeuilles "durables" séparés.

Pourquoi l'ESG cristallise-t-il autant les débats, alors que d'autres stratégies sont rarement remises en question ?

Sandrine Ramboux CFA : "La première chose, c'est qu'on en a beaucoup parlé.
L'ESG est devenu très visible, parfois présenté comme une solution miracle, et comme pour tout sujet très exposé, tout le monde a fini par avoir un avis — même sans vraiment connaître le sujet."

"La plupart des gens ne savent pas dans quels fonds ils investissent, que ce soit via leur banque, leur assurance ou leur fonds de pension. Très peu pourraient expliquer s'ils ont un portefeuille value, small caps, ou thématique. Et pourtant, l'ESG fait l'objet de jugements très tranchés — souvent à cause de sa performance perçue."

"Ce type de critiques n'est pourtant presque jamais formulé pour d'autres stratégies, même quand elles sous-performent. Et c'est probablement parce que l'ESG touche à autre chose que la performance : il touche à des convictions, à ce qu'on veut financer ou éviter. Et dès qu'il est question de valeurs, les débats deviennent plus sensibles."

En parlant de débat sensible, la défense a-t-elle sa place dans l’ESG ?

Sandrine Ramboux CFA : "Personnellement, je ne le pense pas. Je comprends que certains considèrent la défense comme un secteur stratégique, parfois nécessaire à la stabilité. Mais pour moi, cela reste une activité dont la finalité — fabriquer des armes — ne peut pas être considérée comme compatible avec une vision de durabilité."

"Cela ne veut pas dire que la défense n'a pas sa place dans l'économie. Simplement, je ne souhaite pas l'inclure dans un portefeuille qui se veut orienté vers un avenir plus soutenable. J'ai envie d'investir dans des solutions qui améliorent les conditions de vie des générations futures, pas dans des moyens de se protéger d'elles."

"Et au-delà de la conviction personnelle, je crois qu'il est important de ne pas brouiller le message de l'investissement durable. Si l'on commence à tout inclure — énergies fossiles, défense, etc. — au nom de la performance ou du réalisme, alors l'ESG perd son sens."

Est-ce-que l'ESG, ça ne rapporte “rien” ?

Sandrine Ramboux CFA : "Quand on investit, à l'origine, ce n'est pas pour spéculer à court terme. C'est pour participer à un projet, à une dynamique, à une direction dans laquelle on croit. Les premiers investisseurs dans les chemins de fer au XIXe siècle finançaient un changement de modèle : ils misaient sur une vision, sur une transformation structurelle."

"C'est cette logique qui guide mes investissements. Je ne regarde pas ce qui va performer dans les prochaines semaines, mais ce qui va compter dans cinq ou dix ans. Je cherche à capitaliser sur des sociétés dont la stratégie sera résiliente à ce moment là, parce qu'elles auront intégré les risques climatiques, les changements géopolitiques, ou les pressions sociales à venir."

"Donc au-delà des notations ESG , je regarde surtout la solidité du modèle à long terme, la cohérence entre la vision, la capacité d'exécution, et les défis qui s'annoncent. C'est cela, pour moi, investir durablement."

Les données à long terme semblent soutenir cette approche. 

La méta-analyse de Friede, Busch et Bassen combinant plus de 2000 études empiriques établissent que 90% des entreprises avec de bonnes pratiques ESG performent au moins aussi bien, voire mieux que les autres entreprises.

Rapport Morgan Stanley 2024 “Sustainable Reality” - Comparaison sur 6 ans


Le rapport "Sustainable Fund Performance" de Morgan Stanley révèle que sur les cinq dernières années, les fonds durables ont obtenu une performance médiane de 4,7% supérieure aux fonds traditionnels.

Il y a cependant deux nuances très importantes à apporter :

  1. Les performances passées ne garantissent jamais les performances futures. Ça n’est pas parce qu’un fond s’est montré performant jusqu’ici que cela continuera avec certitude dans le futur.

  2. Tous les investissements ESG ne génèrent pas des rendements supérieurs.
    Pour beaucoup de ces fonds une partie de la surperformance s'explique par un effet de concentration. Comme l'explique Morningstar, en excluant des secteurs comme l'énergie ou les mines, certains fonds ESG se concentrent mécaniquement sur les secteurs restants, dont la tech.
    Ces entreprises ayant excellé des dernières années, elles représentent une part importante des portefeuilles ESG , amplifiant mécaniquement les performances.

Ces données illustrent que l'investissement durable peut être une stratégie financièrement cohérente sur la durée, pas seulement une question de conscience.

Alors comment se lancer si ça m’intéresse ?

Avant tout, définissez votre plan, comme vu dans les newsletters précédentes : pourquoi investir, dans quels délais, quelle est votre tolérance au risque ?

Puis la question clé : où placez-vous le curseur sur la durabilité ?

Approche souple : Vous pensez qu'une compagnie pétrolière qui investit dans l'éolien va dans la bonne direction. Vous préférez accompagner les transitions plutôt qu'exclure. Le risque de greenwashing est cependant élevé, car l'engagement est facile à promettre, mais difficile à mesurer.

Approche sélective : Vous refusez de financer certains secteurs comme par exemple le tabac, la pornographie ou l'armement, mais vous investissez dans le reste. Un constructeur automobile qui vend encore de l'essence mais développe massivement l'électrique, pourquoi pas. Le risque de greenwashing est modéré, car les exclusions sont vérifiables, mais la définition de "best-in-class" peut être subjective selon les gestionnaires de fonds.

Approche stricte : Vous voulez uniquement des entreprises qui construisent l'avenir : énergies propres, économie circulaire, technologies vertes. Le risque de greenwashing est plus faible, car il est facile de vérifier si une entreprise opère vraiment dans les énergies renouvelables ou l'économie circulaire.

Ces trois approches coexistent sur le marché, à vous de voir laquelle correspond à vos priorités et vos valeurs.

Encore un grand merci un Sandrine de FutureWise Partner pour ses insights précieux sur l’investissement durable !

N’hésite pas à répondre à ce mail avec tes feedbacks ou tes questions, je les lis tous 🙂 

Prenez soin de vous,
Nessrine

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